Guy Marchand
Un parcours réussi

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La tentation de présenter les personnalités qui ont accepté l’épreuve du face-à-face est légitime. Pour Guy marchand, cependant, les présentations ne sont pas de mise car la carrière de l’artiste traduit à elle seule un parcours réussi. D’ailleurs, avoir le privilège de pénétrer sur les vingt-deux hectares de terres de Guy Marchand, c’est, de toute façon, entrer dans un univers exceptionnel, bien restitué par les propos subtils et savamment distillés d’un homme épris, entre autres, de nature, au point d’y consacrer une grande partie de son temps…

Psychanalyse Magazine : Que diriez-vous du monde des artistes ?
Guy Marchand : Avant, les artistes étaient sympathiques, maintenant ils le sont beaucoup moins, parce que la déformation médiatique a établi tout un amalgame avec l’actualité. Même les gens dans les banlieues nous assimilent à tout ce qui les bride, à savoir la politique. C’est tout cela que je n’aime pas dans l’univers journalistique. Je préfère la presse comme la vôtre, littéraire je dirais, ou carrément la presse futile qui repose et permet de dédramatiser. Être artiste, c’est une façon de rêver son existence, de la traverser, comme ça, avec des choses un peu superficielles… Gagner sa vie de cette manière est une gageure, une trajectoire intéressante dans la mesure où l’on ne sait pas ce que l’on fait sur terre et que tous les scenarii ne sont basés que sur des éléments abstraits.

P.  M. : Qu’est-ce qui fait que vous êtes devenu artiste ?
G. M. : Je l’étais probablement dans le ventre de ma mère ! C’est bizarre… Mon père, lequel vient de mourir d’ailleurs, m’a influencé en ce sens. J’étais un enfant unique, donc “ paranoïaque ”. Il me semble que tout le monde est paranoïaque. Ce que je n’aime pas dans la paranoïa et qui fait que je tente d’y remédier, c’est qu’il s’agit tout de même, là, d’une excroissance de l’ego et que quelque part, je ne trouve pas cela très élégant… Je ne crois pas véritablement en la psychanalyse ; je pense que vous pouvez rendre service à quelqu’un en lui parlant, mettre en place une relation permettant d’ouvrir des portes et des fenêtres, mais de là à soigner, j’en doute.

P.  M. : Mais on ne soigne pas en analyse !
G. M. : Alors, je me suis peut-être trompé. En fait, l’analyse, cela m’inquiète. Lorsque j’étais enfant, je démontais les réveils, mais jamais ils n’ont remarché et je redoute que, pour moi, une analyse ce soit ça. Pourtant, les femmes avec lesquelles j’ai vécu, ainsi que ma compagne actuelle, m’ont souvent suggéré de faire une analyse. Les hommes ont fréquemment, non pas des problèmes, mais des conflits car ils veulent toujours être Alexandre le Grand, tout en restant petit garçon. Donc, ils sont fragiles et je pense qu’à un moment donné, cependant, une analyse s’imposerait. Lorsque je fais mon show musical, tous les soirs je raconte ma vie en chansons et au prix où sont les psychanalyses, ça m’économise une analyse ! Les artistes, en jouant la comédie, en s’exprimant par la musique, dans un texte, même si c’est celui d’un autre, font une analyse par le biais de cette espèce de “ gabegie ” de sentiments. Bon, c’est mal rangé, c’est sûr, probablement avons-nous besoin de quelqu’un comme vous pour faire le ménage. Cependant, tout y est.

P.  M. : Vous avez fait allusion aux femmes ; que vous reprochent-elles globalement ?
G. M. : Je suis misogyne, comparativement à l’importance qu’elles ont dans ma vie, parce que tout ce qui est féminin est la vie. J’ai une théorie suivant laquelle les Espagnols sont des machos qui vivent entre hommes, tandis que les Argentins sont des machos victimes des femmes. On appelle le tango “ La musica de los cornudos ”, ce qui signifie “ La musique des cocus ”, c’est-à-dire qu’il y a des hommes, dont je fais partie d’ailleurs, qui misent tout sur la femme et ils se mettent en danger. J’aime beaucoup l’expression qui dit : “ L’homme c’est de la chair à canon et la femme c’est le sel de la terre ”. Lorsqu’une femme meurt, cela me déprime. Au Kosovo, les militaires qui s’entretuent ne me dérangent pas, d’autant plus que j’étais dans l’armée ; je trouve même que c’est une belle aventure que celle de mourir à la guerre. Mais, quand je vois la détresse des femmes et des enfants, alors là, c’est le commencement de la fin du monde. Je pense que le seul aspect positif de la vie que l’on devrait étudier c’est la gestation, la naissance, toutes ces choses qu’il y a chez la femme et qu’il n’y a pas chez l’homme. Perpétuellement, l’homme détruit, “ bousille ” tout et s’imagine qu’il aime Dieu. La femme, la plupart du temps, oublie Dieu pour s’occuper de son enfant. C’est une dimension peut-être plus terre à terre mais aussi c’est “ ça ” la vie. Souvent l’homme est dépressif, suicidaire, romantique comme on dit, je trouve qu’en définitive il a un passé “ nul ”.

P.  M. : Nul ou fragile ?
G. M. : Franchement nul. Je ne suis pas admiratif du courage ; mon chien, par exemple, est très courageux ; il se bagarre avec d’autres chiens énormes mais il ne la ramène pas. La nature, lorsqu’elle vous fait en tant que mâle, vous donne certaines capacités à vous défendre ; ainsi est-on courageux physiquement pour survivre. Ce qui m’intéresse davantage c’est le courage des êtres faibles, comme celui des femmes ou des petits animaux. L’unique qualité que je trouve originale chez un homme et qui n’est pas une aptitude naturelle, c’est la bonté. Lorsqu’il m’arrive de rencontrer la bonté chez un homme, je suis épaté et il remonte dans mon estime. Mais cela se produit rarement et à part l’Abbé Pierre, je n’en connais pas vraiment.

P.  M. : L’Abbé Pierre vous “ épate ” ?
G. M. : L’Abbé Pierre c’est une expression, disons que c’est sa motivation qui est digne d’intérêt. En fait, je ne le connais pas mais j’aime assez dire que le seul homme de gauche que je puisse remarquer est l’Abbé Pierre ; ça m’amuse.

P.  M. : L’homme de droite que vous appréciez ?
G. M. : La droite me répugne parce qu’elle ne veut jamais rien partager ; ce sont des gens assis sur leur égoïsme, et la gauche me lasse. Je suis désolé mais, pour moi, les socialistes français sont profondément ennuyeux.

P.  M. : Donc, la politique vous ennuie en règle générale ?
G. M. : Pas toujours, la politique est nécessaire, ce qui est stupide c’est que tout le monde veuille faire de la politique. J’ai mauvaise conscience de ne pas voter et de n’avoir jamais voté de ma vie. En Algérie, on m’a rendu sceptique et je suis devenu apolitique. L’histoire, si vous l’observez sans prendre de recul, ce n’est que du gâchis : gaspillage de courage, d’argent et de sang. Après, cela devient l’Histoire avec un grand H, comme les livres sur Napoléon dans lesquels on a tout oublié du carnage que c’était. C’est invraisemblable et cela a toujours été ainsi. Je vous trouve bien téméraires à vouloir mettre de l’ordre là-dedans parce que moi, de la vie en général, je ne retiens que le désordre, une espèce d’amas de choses hétéroclites qui sont inorganisables.

P.  M. : On peut construire sur le désordre.
G. M. : Oui, bien sûr, on construit sur les décombres mais justement, la nature ne reconstruit toujours que sur la mort. On fait pousser le blé sur le fumier, on bâtit de belles villes sur les ruines d’anciennes cités. Il y a peut-être là le sens de la vie. C’est pour cela que je pense que la femme est un vecteur, c’est elle qui fait renaître et l’homme détruit. Toutefois, il y a une charge négative dans ce système.

P.  M. : L’homme est un prédateur.
G. M. : Il en faut, puisque maintenant on les protège.

P.  M. : Vous faites allusion à quoi ?
G. M. : À l’écologie, on a besoin de prédateurs pour l’équilibre de la nature.

P.  M. : Vous êtes très près de la nature ?
G. M. : Oui, parce que pour un citadin comme moi, c’est le seul repère. Je suis angoissé par la ville, le béton me fait peur. J’ai le sentiment que lorsqu’on meurt en ville, on va vous mettre dans une décharge publique, tandis que lorsque l’on meurt sur la terre, c’est la mère nourricière qui s’ouvre et c’est presque rassurant.

P. M. : Vous êtes né à la campagne ou en ville ?
G. M. : Je suis né en ville. Je ne partais même pas en vacances. Cependant, j’étais sub-urbain, donc j’avais le regard tourné vers la nature, une nature frelatée mais il y avait l’air. J’habitais à Romainville et je voyais les hauteurs du Bassin Parisien. J’ai toujours été attiré par la campagne. Une ferme, des chevaux… C’est un rêve d’enfant. Lorsque j’étais jeune, j’aimais les chevaux, tous les chevaux, mais sur le plan social je détestais leurs cavaliers parce que, la plupart du temps, au Bois de Boulogne, ils étaient arrogants. Et puis, à mon tour, je suis monté sur des percherons à la campagne. Nous étions des enfants de la guerre avec des primo-infections et on nous envoyait à la campagne pour guérir. Alors là, c’était le paradis ce contact avec les animaux et la passion pour les chevaux ne m’a plus quitté. J’ai fait comme pour le piano : je n’avais pas de piano mais dès que j’en voyais un, je pianotais ; donc, dès que je voyais un cheval, je montais dessus. Ainsi, peu à peu, les choses ont évolué. Par la suite, j’ai appris à monter à cheval à Saumur, pour un film, il y a une trentaine d’années. Enfin, j’ai découvert le polo et l’Argentine. C’est un monde différent grâce auquel je suis retourné à la campagne et à la simplicité, parce que les Argentins sont beaucoup plus frustres ; je ne parle pas de l’Argentine de Buenos-Aires mais de celle des “ gauchos ”. J’aime l’Amérique du Sud.

P.  M. : En fait, on ne vous connaît pas réellement sous cet angle là.
G. M. : Oh, les gens me connaissent, ils savent que je suis intemporel par goût et agressif. Oui, c’est vrai que parfois je suis un peu agressif, probablement parce que paranoïaque. En prenant de l’âge, je me calme sans me soigner. Je m’entends bien avec la population d’ici, tout en n’étant pas vraiment commode. Il y a une chose que je ne supporte pas, c’est l’impolitesse. Je tolère beaucoup d’attitudes telles que la grossièreté – moi-même je suis grossier – mais dans l’impolitesse il y a un manque de respect inacceptable. Je trouve que notre époque n’apprend pas la politesse aux enfants. À l’intérieur des vieilles familles argentines persiste encore cette forme de politesse à l’égard des Anciens comme chez les Indiens ou les Africains. Progressivement, notre civilisation a perdu le sens des valeurs. Désormais, lorsque l’on devient vieux, on est considéré en tant que “ vieux cons ” qui ne comprend plus rien tandis que les jeunes, eux, prétendent avoir tout compris. Ce en quoi ils ont tort parce que justement, ils ne se rendent pas compte qu’ils ont besoin de cette naïveté que l’on retrouve en vieillissant. J’aime bien les phrases toutes faites et je m’en suis fabriqué une, à savoir que lorsque l’on me demande : “ Qu’est-ce que vous faites dans le milieu artistique ? ”, je réponds : “ Je suis une vieille anglaise qui visite les Indes ”. J’aspire au dépouillement matériel. Je possède cette ferme de vingt hectares mais la propriété ne m’intéresse pas. J’ai toujours la roulotte dans la tête, j’adore déménager en cinq minutes.

P.  M. : Vous avez donc une relation saine avec l’argent ?
G. M. : Saine ? Je ne sais pas ; disons que j’ai gagné beaucoup d’argent dans ma vie et qu’il me reste plus que de quoi payer mes impôts en fin d’année. Je ne méprise pas l’argent dès l’instant où il va me permettre d’acheter un rêve : un beau cheval ou un pick-up américain et plus tard, de réaliser mes fantasmes actuels. Je pense que de nos jours, les individus investissent trop d’énergie dans le “ paraître ” et pas assez dans l’être. Bon, c’est une banalité mais pour moi, monter à cheval, sur une scène, faire de la musique, c’est ça : “ Être ”. Malgré tout, j’ai essayé de me mettre à la place de ceux qui ne sont pas connus, peut-être ont-ils véritablement besoin d’accomplir leur “ paraître ”. Parce que, en définitive, c’est facile quand on est célèbre de dire : “ Moi, je m’en fous, je me ballade dans une vieille voiture pleine de trous, de toute façon on me reconnaît… ” ! Il me semble que même si je n’avais pas été artiste, j’aurais été comme mon père qui, toute sa vie, s’est habillé avec des “ trucs ” américains. Ce qui ne l’a pas empêché d’aimer la musique, de lire beaucoup et d’inventer un tas de choses. Mon père m’a appris à accepter le désordre, c’est pour cela que j’aime les fermes : on voit un tracteur, un papier qui passe… Je plains les perfectionnistes, ceux qui vivent dans de grandes maisons bien ordonnées où il est indispensable que tout soit impeccablement rangé. Lorsque l’on s’habitue au désordre, déjà on parvient mieux à s’adapter au fracas de l’existence, c’est-à-dire au bruit et à la fureur de cette vie qui est une espèce d’imbroglio, de grenier disparate auquel il faut s’accoutumer pour ne pas souffrir. J’ai le sentiment que, dans ma vie, les événements prennent toujours cette forme, que quelque part les choses s’organisent dans le désordre. Vous allez me faire une ordonnance ?

P. M. : Non, nous ne sommes pas médecins mais psychanalystes ! Et puis, vous avez l’air d’aller très bien quand même ?
G. M. : Je plaisante. Effectivement, je dors bien, je mange bien. Je suis juste suffisamment inquiet sans être angoissé. L’inquiétude, chez moi, c’est celle des animaux avec les oreilles qui se dressent. Un jour, dans un avion, j’étais assis à côté d’un journaliste et nous discutions. On se posait la question de savoir ce qu’il faudrait apprendre à nos enfants en priorité : la politesse, le bien ? Et on ne trouvait pas. Tout à coup, m’est venu à l’esprit un mot : la curiosité. La curiosité, cela vous met à l’abri de tout.

P.  M. : Vous êtes curieux ?
G. M. : Pas toujours, mais c’est l’idéal. C’est comme si vous me disiez que je ne suis pas déprimé, c’est vrai, mais il y a des périodes où je vais l’être et c’est normal. Que ce soit Napoléon ou de Gaulle, eux-mêmes ont eu des phases de découragement. Dès l’instant où l’on est un homme d’action, à un moment donné les choses vont se déglinguer et il va falloir remonter la pente, attendre que la batterie se recharge.

P.  M. : Cela apprend l’humilité aussi parfois.
G. M. : L’humilité, c’est difficile de l’avoir vis-à-vis des autres. Toujours au travers de mes phrases toutes faites, si vous me demandez ce que je vaux, je vais vous répondre : “ zéro ”. Par contre, si vous me comparez, alors là je n’ai plus d’humilité du tout. La modestie, c’est le luxe de ceux dont le talent est reconnu et puis, quelquefois, les gens modestes ont toutes les bonnes raisons de l’être. Moi, je ne suis pas modeste. Je n’aime pas la modestie parce que, le plus souvent, c’est une manière de se comporter qui vise à laisser les autres découvrir les qualités que vous êtes certain de posséder et cela, ce n’est pas bien joli. L’humilité, ça oui, c’est un beau sentiment.

P.  M. : D’ailleurs, on prétend que la modestie est une qualité médiocre, d’autant qu’elle vise parfois à créer des effets de surprise.
G. M. : Oui, c’est le cas des gens qui ne parlent pas, qui ne s’expriment jamais. C’est dommage car se livrer, pas trop non plus, cela permet de se nettoyer un peu à l’intérieur de soi. Ainsi, on fait des mini-analyses.

P.  M. : Le principe de l’interview peut-il vous gêner ?
G. M. : Non, curieusement j’aime assez les interviews. J’aime bien dire les choses. J’affectionne ce type de conversation à l’anglaise où, tout en parlant de la pluie et du beau temps, on peut soudain se brancher métaphysique mais avec la pudeur de ne pas s’y plonger totalement. J’adore certaines traditions d’autrefois comme celle qui consistait à ne pas discuter politique devant les femmes et à se rendre au salon pour fumer le cigare entre hommes. Ne pas respecter cela était impoli. Non pas sous prétexte que la femme ne pouvait pas comprendre mais parce que l’on n’était pas là pour ennuyer les dames. Ce qui revient à dire que, lorsque l’on parle avec gravité pour essayer de convaincre, on est pédant et sans intérêt. Je conçois la conversation en ce sens qu’il y a deux versions et qu’ainsi, c’est la musique des mots entre les individus.

P.  M. : Quels sont vos amis ?
G. M. : J’en ai peu. Il y a des relations et puis, il y a certaines personnes qui deviennent des amis sans que l’on sache vraiment pourquoi. Parmi les amis, il y a ceux qui vous appellent quand vous êtes malades pour avoir des détails et il y a les autres qui pleureront et seront malheureux à votre enterrement. Les vrais amis, je les sens lorsque tout va bien parce qu’ils sont contents. Ceci étant, peut-être est-ce moi qui ne donne pas suffisamment en amitié car il ne s’agit pas non plus de voir systématiquement l’agression comme venant de l’extérieur. On ne doit pas jouer avec les sentiments, qu’ils soient familiaux ou amicaux. Je ne veux pas avoir à regretter d’être resté insensible, tel “ L’étranger ” de Camus, lors d’instants graves.

P.  M. : Quelle est la plus grande preuve d’amitié que vous ayez reçue ?
G. M. : C’est de me défendre même quand j’ai tort. J’ai des amis qui, en mon absence, vont me soutenir bec et ongles et ça, c’est une belle preuve d’amitié. J’apprécie les gens qui sont plus intelligents que moi, plus discrets, plus réservés.

P.  M. : Mais vous n’êtes pas paranoïaque si vous trouvez qu’il y a des gens plus intelligents que vous ?
G. M. : Le terme “ paranoïaque ” s’applique de façon un peu trop large. Ce qui me dérange dans ce que j’ai lu sur la paranoïa c’est que c’est inconsciemment, paraît-il, un déni de l’homosexualité. Lorsque j’étais jeune artiste, je réagissais très violemment si on me prenait pour un homosexuel. Avec le temps, j’ai rencontré des homosexuels qui sont devenus mes amis parce que je considère qu’à partir du moment où il y a de l’amour, on se moque du reste. C’est surtout la déviation homosexualité/pédophilie qui me gêne. Moi-même, j’ai des enfants et puis, on a toujours peur de ce qui est anormal par rapport à la nature, laquelle est l’éternel point de repère. Une fois, j’ai failli quand même entreprendre une analyse à la suite d’un deuil important vis-à-vis duquel je réagissais très mal et de plus, j’avais attrapé des maladies en Algérie. À une épreuve psychologique s’était ajoutée une fragilité physiologique et je n’avais plus la force de supporter tout cela. À partir de là, j’ai véritablement commencé à réaliser ce qu’est cette espèce de couloir de névroses, alors qu’auparavant je pensais que ça n’existait pas. Souvent, lorsque l’on rencontre quelqu’un qui fait une dépression, on a toujours tendance à lui dire : “ Mais, reprends-toi, secoue-toi ! ”. Et puis un jour, à son tour, on se rend compte que les choses ne sont pas aussi simples. Vous savez, c’est comme dans ce film de Godard où l’on voit Eddy Constantine qui ferme les portes une à une. Le psychisme est semblable à un ordinateur avec des méandres et des labyrinthes et tant que l’on n’y pénètre pas, on est optimiste, on possède la jeunesse, la santé et la force. Puis, brutalement, tout devient abstrait, on se retrouve à l’intérieur de cette mécanique précise qui nous fait penser, parler, et là, ça se complique.

P.  M. : Vous allez beaucoup au cinéma ?
G. M. : Très peu, mais j’ai une vision cinématographique de l’existence, c’est-à-dire que je m’écris des scenarii. Je pars du principe que personne ne nous a composé notre histoire et qu’elle peut donc tout à fait être triste. Alors, il suffit de se choisir son propre film. Le cinéma en noir et blanc me plaît dans la mesure où, pour moi, c’est le rêve parce que, justement, j’ai plutôt tendance à rêver en noir et blanc. Ainsi, ma vie devient onirique. À l’exception de quelques symboles religieux, judéo-chrétiens ou sectaires, on ne nous a donné aucun mode d’emploi quant à la manière de réaliser notre existence. Nous avons été plantés, là, comme des enfants plus ou moins perdus auxquels on aurait dit : “ Vous êtes seuls, débrouillez-vous ”. Il ne nous reste que la nature, telle une sorte d’enseignement un peu sommaire mais concret. Ainsi, dès l’instant où l’on ne fait de mal à personne, on peut se construire le scénario que l’on souhaite : une comédie, une tragédie, un opéra… Certaines personnes m’ont dit que raisonner de la sorte, c’est de l’hédonisme.

P.  M. : Dans l’hédonisme, il y a plutôt une notion de plaisir.
G. M. : Oui, ce serait alors le plaisir de rêver sa vie, telle une poésie, mettre du soleil là où il n’y en a pas et aimer les femmes sans les idéaliser.

P.  M. : Quand on ne vous connaît pas, vous renvoyez une image de grand séducteur. Est-ce que cela vous agace ?
G. M. : C’est d’autant plus agaçant que c’est simpliste. Il est bien évident qu’au début d’une carrière artistique, il est tout de même indispensable de séduire le public. En revanche, ce qui est stupide, c’est de s’imaginer que l’on va plaire à tout le monde. En général, avec le temps et du recul sur le métier, on parvient peu à peu à accepter de déplaire et on en souffre beaucoup moins. Par contre, ce qui n’est pas bon, c’est de ressentir une certaine volupté à déplaire, on appelle cela la provocation. Et moi, je sais que quelquefois ça m’arrive. Cela va dépendre des gens avec lesquels je me trouve mais, tout à coup, ça me prend, je me laisse aller, d’une manière disons “ goguenarde ” et là, je sais que je “ déconne ”. Mes défauts et ma propre bêtise deviennent des sortes d’avantages que j’exploite. Quelle vengeance comparativement à ce mauvais cadeau que la nature a pu me faire en me donnant des vanités et des orgueils mal placés. Alors, le “ con ” que je suis, je m’en sers dans mes personnages et lorsque je suis en train de jouer, je lui tords le cou avec une jouissance terrible. Je suis comme Cyrano de Bergerac, je veux bien admettre que je sois grotesque, parce que c’est vrai mais ce n’est pas aux autres de me critiquer. J’adore Charlot, cependant vous avez remarqué comme il est agressif et méchant. Il n’arrête pas de taper sur les gens, même sur les femmes en en leur donnant des coups de pied et pourtant, quel personnage merveilleux, quelle gentillesse ! Néanmoins, il est bien obligé de se défendre. Une fois, je me trouvais en compagnie d’intellectuels qui se prenaient très au sérieux sous prétexte qu’ils avaient fait de bonnes études, qu’ils maniaient bien la dialectique et que leurs arguments étaient superbes ; ils pensaient pouvoir mettre les rieurs de leur côté en utilisant les mots comme des armes. Moi, vous voyez, je ne suis pas méchant mais j’ai fait de la boxe et j’aurais pu, à mon tour, leur balancer des tartes pour les ridiculiser. Après tout, c’est mon arme, ce serait légitime. Seulement voilà, dans une société dite de “ gentlemen ”, cela ne se fait pas… J’admets la violence, ce que je n’aime pas, c’est la brutalité, parce qu’il y a une nuance. Vous vous souvenez de Don Camillo, ce curé catholique. Il ne fallait pas trop le chercher, il était bon comme le Petit Jésus mais, de temps en temps, il envoyait des droites. Avec la jeunesse, c’est la même chose. Pourquoi est-ce que l’on fait un scandale lorsqu’un gamin a pris une claque à l’école ? Moi, si j’étais arrivé chez ma mère en me plaignant d’un instituteur qui m’avait filé une baffe, elle m’en aurait donné une autre. Il est où le problème ? Un jour, un enseignant m’avait envoyé un coup de pied aux fesses. Bon, il ne m’a pas tué ; ainsi, à son niveau, il savait se contrôler. C’est ça l’important, être capable de pouvoir maîtriser sa violence intérieure et il me semble que ce serait là le plus grand progrès que l’Homme puisse accomplir. C’est probablement cela être un “ vrai ” gentleman. Moi, je ne suis qu’un honnête homme ! Et puis, désormais, ma vie c’est le polo. C’est un sport rigoureux qui rassemble toutes sortes d’individus : des Anglais romantiques, aristocrates ruinés, des Argentins arrivistes, des chanteurs en fin de carrière… Le polo mondial est un univers invraisemblable où tout le monde se connaît et fait le tour de la terre en suivant le soleil. Nous sommes des égoïstes : on tape derrière une petite balle en prenant le risque de se tuer, tandis que la moitié de la planète crève de faim. Mon expression favorite est que le polo c’est le meilleur jeu pour attendre la fin du monde. D’ailleurs, c’est le jeu le plus ancien, il a trois mille ans. En Afghanistan existe une religion qui s’appelle le “ poulou ” dans laquelle la balle représente la terre et le maillet qui vient frapper sur la balle, c’est le destin. Ainsi sont écrits de grands poèmes sur le polo.

P.  M. : Comment trouvez-vous le temps de faire cela ?
G. M. : Oh ! Mais je ne fais plus rien. Maintenant, mon problème, c’est justement celui de vieillir. En Argentine, j’ai rencontré des gens qui vieillissent et meurent comme j’aimerais pouvoir le faire, c’est-à-dire en vieux “ gaucho ” au fond de la pampa : les éperons aux pieds, on regarde le soleil se coucher et le cœur s’arrête de battre. La simplicité, pour moi, c’est une découverte.

P.  M. : Guy Marchand, est-ce véritablement votre nom ?
G. M. : Oui, je suis issu d’un croisement inattendu. Je me plais à croire que ma grand-mère, qui s’appelait de Cambrai, était une aristocrate qui a épousé un électricien espagnol. Ainsi, même si ce n’est pas vrai, je me suis forgé des origines aristocrates mêlées à des vulgarités gitanes. Je suis partisan du métissage ; je pense que la grande “ partouze ” universelle sauvera l’humanité.

P.  M. : Dans votre métier, les tentations autodestructrices doivent être fréquentes. Êtes-vous tombé, parfois, dans des pièges de cet ordre-là ?
G. M. : En fait, jamais parce que je suis de nature fragile. Lorsque je bois trois verres, je suis ivre. Quant à la drogue, un jour on m’a fait prendre de la cocaïne mais, le résultat, c’est que cela ne m’a pas fait rêver du tout ! Ma drogue, c’est la vie, ce sont les femmes, ou plus exactement, c’est “ la ” femme.

P.  M. : Êtes-vous fidèle ?
G. M. : Oui. C’est pour cela que le terme de séducteur me gêne ; il implique, d’une part, un état narcissique et surtout, de l’onanisme ! Les collectionneurs de femmes, ils sont tout seuls, les visages ne font que passer. Moi, j’ai connu de nombreux désordres affectifs mais, à chaque fois, j’ai véritablement besoin de reconstruire toute une histoire dans laquelle le personnage de la fin doit être bien écrit.

P.  M. : En règle générale, on vous quitte ou vous quittez ?
G. M. : À ce niveau-là, je ne suis pas très courageux, voire même plutôt hypocrite. Disons que je parviens à me rendre tellement insupportable que l’on me quitte. Donc, la plupart du temps, on m’a quitté.

P.  M. : La mort vous fait-elle peur ?
G. M. : Pas véritablement, ce qui m’inquiète davantage, c’est la déchéance. Lorsque j’étais au lycée, j’avais un ami curieux de la mort et je craignais toujours qu’il se suicide. Quand on est jeune, il y a souvent une sorte d’aspiration vers la mort et puis après, on thésaurise en quelque sorte. Avant d’avoir vingt ans, comme j’avais eu cette primo-infection, je me disais : “ Pourvu que j’atteigne l’âge de pouvoir faire l’amour avec une fille ”. J’y suis arrivé et j’ai rencontré des femmes. Ensuite, je suis parti en Algérie en tant que parachutiste à la Légion et là, j’étais persuadé que j’allais mourir à la guerre. Malgré tout, j’ai fait en sorte de ne pas mourir et en rentrant, je me suis dit que la trentaine c’était super et que quarante ans, ça commençait à faire beaucoup. Donc, je me fixais encore dix ans et puis, de toute façon, j’aurais un cancer. Enfin, j’ai dit : “ Cinquante ans, ce n’est pas possible, être quinquagénaire c’est ridicule ”. Maintenant, c’est soixante que je me donne…

 

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