La confrontation avec un partenaire bien réel peut nous décevoir quand nous sommes à la recherche d’un amour idéal : prince charmant ou femme parfaite. Faire le deuil de cette illusion est pourtant indispensable pour profiter vraiment d’une relation.
Pour se constituer, un couple a besoin d’une certaine dose d’idéalisation. Mais elle doit rapidement être dépassée par un processus de différenciation psychique au sein même du couple. Lors d’une rencontre amoureuse, l’autre nous séduit de par sa capacité à nous faire subodorer un avenir meilleur. Pour préserver ce rêve, nous ne voudrions voir en lui que les aspects qui nous conviennent. Ainsi, pourquoi est-il si difficile de renoncer au fantasme du partenaire idéal ? Selon le psychanalyste canadien Guy Corneau, c’est parce que cet abandon constitue une réelle perte de virginité au niveau psychologique. Pourtant il ne peut y avoir de relation complète et vraie sans elle… De fait, on peut enfin accepter l’autre tel qu’il est et non plus tel que nous aimerions qu’il soit. Une relation digne de ce nom ne peut se construire que quand chacun a renoncé à cette illusion.
Ne pas trop rêver !
Beaucoup d’entre nous continuent pourtant à attendre un profil rare, avec qui former un couple d’exception, où l’ennui et la monotonie seraient bannis. N’y parvenant pas, ils préfèrent souvent accuser le sexe opposé de ne pas être à la hauteur et énoncent des généralités : « Tous les hommes sont lâches et égoïstes », « Je ne comprendrai jamais les femmes »… Certains d’entre nous sont même prêts à ne jamais rencontrer l’amour pour ne pas être déçus, pour ne pas ressentir l’atroce douleur de l’abandon. Ils se focalisent donc sur des personnes inaccessibles. Tout, plutôt que de subir des lendemains qui désenchantent !
Pour la psychothérapeute Sylvie Tenenbaum, le mythe du prince charmant cause beaucoup de tort aux femmes. À trop rêver d’un homme qui n’existe que dans leur imagination, elles confondent leur idéal avec la réalité et sont trop critiques avec les hommes de chair et de sang. Tout comme les princesses de notre enfance étaient sauvées des monstres et de la pauvreté par le prince, les femmes d’aujourd’hui attendent d’un homme qu’il les sauve de leur désert affectif. Au lieu de compter sur elles-mêmes pour transformer leur vie ! Les célibataires obsédés par l’idée de partenaire idéal ne se rendent pas compte que plus ils rêvent de cette personne, plus elle devient inaccessible.
Entrer dans la réalité
Le sociologue Jean-Paul Kaufmann, auteur du célèbre ouvrage « La femme seule et le prince charmant », compare l’attitude des jeunes gens rêvant du partenaire idéal à la recherche du premier emploi. Les jeunes diplômés espèrent trouver un poste bien payé qui leur conviendra à tous points de vue. Malheureusement, le contact avec la dure réalité du monde du travail les refroidit vite. Certes, il ne faut pas renoncer trop tôt à ses ambitions : si se contenter d’un travail mal payé et inintéressant peut enfermer définitivement la vie professionnelle dans la médiocrité, cet univers, tout aussi difficile soit-il, peut contenir également les bases nécessaires d’une bonne évolution sociale. Il faut donc apprendre à faire la part des choses. Il en va de même pour la recherche de sa « moitié » : il ne faut pas trop rêver mais pas non plus abandonner trop rapidement ses espoirs… Selon Kaufmann, le mythe du prince charmant n’est pas entièrement néfaste. Il est la part de rêve qui permet à la femme mariée de s’évader, parfois, de son quotidien fatiguant et monotone. Pour mener à bien leur trajectoire d’autonomie, leur reformulation de soi, les femmes ont besoin d’un élan. Et le prince, trop beau pour être vrai, peut être une nourriture essentielle de cet élan, surtout si les femmes n’y croient qu’en partie. Car une croyance absolue les enfermerait dans une position attentiste. La femme du XXIème siècle ne doit plus se contenter d’attendre ; elle devient princesse par elle-même et par ses actions, et non plus par sa rencontre avec ledit prince ! À condition, encore une fois, que cette rêverie occasionnelle ne soit pas trop envahissante. Ni qu’elle empêche de profiter des bonheurs que l’on peut vivre pleinement. Il est donc temps à présent, pour ceux qui ne l’ont pas encore fait, de chasser de votre vie cette personnalité dont vous croyez qu’elle pourrait être votre partenaire idéal… mais qui ne l’est pas et ne le sera jamais. Ne pensez plus à ce qui pourrait se passer pour ne pas vous empêcher de penser à ce qui est. Appréciez tout simplement, enfin, ce que vous apporte votre compagnon ou votre compagne.
Hélène Viale
Le prince charmant en 2014…
Les huit qualificatifs ci-dessous ont été proposés à une population de 18-80 ans. Ce sondage met en évidence des pourcentages inattendus. Nous les publions car ils méritent réflexion…
> Travailleur 78 %
> Responsable 74 %
> Fidèle 69 %
> Intègre 61 %
> Attentionné 46 %
> Tendre 42 %
> Amoureux 39 %
> Drôle 37 %
> Spirituel 22 %
